S’adapter au réchauffement climatique
En plus de sélectionner des variétés plus résistantes au stress hydrique ou aux chaleurs plus élevées, l’adaptation aux changements climatiques peut passer par le choix de variétés plus précoces ou semées plus tôt ou par le choix d’autres cultures.
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Les épisodes de sécheresse sont légion en France depuis dix ans, et la remontée des températures se confirme d’année en année. « Le colza fait malheureusement partie des cultures très impactées, reconnaît Aurore Baillet, ingénieure développement chez Terres Inovia. La baisse des surfaces ces trois dernières années est directement liée aux conditions d’été trop sèches. Le colza est d’ailleurs concerné par l’évolution du climat depuis la fin des années 1980, avec une rupture dans l’accroissement des rendements qui coïncide avec le début de l’augmentation des températures. » Malgré tout, par rapport à d’autres cultures, le colza supporte relativement bien un stress hydrique modéré au printemps. Il tolère aussi mieux que le blé les températures élevées de fin de cycle. « Les sélectionneurs travaillent à l’adaptation du colza à ces conditions climatiques plus difficiles et nous attendons beaucoup de l’amélioration variétale. Mais nous testons aussi des scénarios de rupture dans le cycle de la culture, avec des colzas d’hiver et des colzas de printemps semés à l’automne. »
Des différences repérées en maïs et betterave sucrière
Depuis plusieurs années, les sélectionneurs de maïs ont identifié dans leurs gammes les hybrides qui résistent le mieux aux stress, et en particulier au stress hydrique. Pioneer a lancé une gamme de maïs Optimum Aqua Max, RAGT a développé des hybrides Stressless. C’est aussi le cas avec Limagrain et son offre Hydranéo, Dekalb et ses variétés DK Optim’eau, Saatbau et ses hybrides Klimafit, ou encore Mas Seeds et ses maïs Waterlock. Les semenciers ont aussi poussé les distributeurs et leurs agriculteurs à opter, en situations non irriguées, pour des variétés plus précoces qui seront récoltées plus sèches, avec un potentiel de rendement en retrait mais des coûts de production beaucoup plus bas.
La betterave sucrière, elle, est une plante qui bénéficie du réchauffement climatique car elle apprécie les températures assez chaudes, mais dans une certaine limite. « Elle cesse complètement de pousser à partir de 35 °C, note Maarten Vanderstrukken, chez SESVanderHave. Les besoins en eau interviennent essentiellement durant l’été dès la couverture du sol et culminent en juillet et août. » Il estime que la sélection peut aider les betteraves à garder leur potentiel de productivité pendant les périodes sèches en travaillant deux aspects : une utilisation de l’eau disponible plus efficiente et une plus grande tolérance aux fortes chaleurs et à la sécheresse. Des différences entre variétés existent déjà. « À ce jour, une variété sensible perd 30 % de rendement en moyenne en cas de sécheresse, alors que les variétés qui se comportent le mieux n’en perdent que 10 % », indique-t-il.
Premier blé résistant à la sécheresse
Les céréales sont aussi des espèces très sensibles à la sécheresse. Le blé tendre a du mal à supporter des températures supérieures à 28 °C. Les sélectionneurs s’intéressent de près à la fois à la tolérance au stress hydrique et aux périodes plus chaudes. Le programme d’investissement d’avenir Breedwheat, qui associe la recherche publique et plusieurs semenciers français, a fait de la sélection de variétés de blé tendre adaptées aux stress climatiques, l’une de ses priorités. En attendant, la meilleure façon pour les agriculteurs d’atténuer les effets du réchauffement est de raccourcir le cycle végétatif de la plante en cultivant des variétés précoces. Cette stratégie qu’Arvalis qualifie d’esquive, permet au blé de réaliser le maximum de cycle végétatif avant les périodes les plus chaudes de l’année. Le problème est que les variétés les plus précoces présentent aussi en général un potentiel moins élevé. Les années où le climat est plus clément, la culture est pénalisée. En Argentine, Trigall Genetics, filiale du semencier français Florimond Desprez et de la société de biotechnologies argentine Bioceres, vient de créer le premier blé OGM résistant à la sécheresse. « Il est doté du caractère HB4, qui confère aux variétés une bonne tolérance à la sécheresse et à la salinité des sols, précise François Desprez, président de Florimond Desprez. Sa commercialisation a été autorisée en Argentine, mais il n’y sera pas cultivé tant que le Brésil, principal acheteur de blé argentin, n’aura pas accepté d’en importer. » L’acceptation est bien la difficulté que rencontrent les sélectionneurs en Europe. Florimond Desprez pourrait développer cette technologie sur ses blés européens, mais il s’agit d’OGM.
Le tournesol fait une percée
S’adapter aux changements climatiques, c’est aussi semer des variétés d’orge de printemps à l’automne, cultiver des pois d’hiver plutôt que de printemps, implanter du lin textile d’hiver à la place de variétés de printemps. C’est aussi implanter de nouvelles espèces. C’est notamment le cas du tournesol. Les difficultés de semis du colza et des céréales à l’automne 2019 ont poussé les agriculteurs à s’intéresser au tournesol, y compris dans des régions septentrionales, et ses surfaces ont ainsi progressé en France de 30 % en 2020. Il a montré qu’il résistait mieux que d’autres espèces aux conditions sèches, et même si les conditions climatiques ont permis de mieux implanter les céréales d’hiver cette année, le tournesol restera présent en 2021 dans des zones où il l’était peu jusqu’à présent.
Le sorgho fait aussi partie des cultures qui supportent le mieux les périodes de sécheresse et les fortes températures (lire ci-contre). « Malgré ses capacités à supporter les conditions difficiles et la résilience de son rendement, dans le projet BFF, Biomass for the Future, nous avons mis en place un programme de sélection sur la tolérance au froid et la vigueur au départ pour permettre des semis plus précoces et éviter ainsi la sécheresse estivale », souligne Pierre Guillaumin, de l’association Sorghum ID.
D’autres essaient de réintroduire des cultures anciennes ou exotiques qui peuvent bénéficier d’un bon comportement sur notre territoire. C’est le cas de cultures de niche comme la chia, graine riche en oméga 3 développée par Panam sous contrat avec plusieurs coops ou négoces, la cameline, aussi très riche en acides gras oméga 3, l’amarante ou le pois chiche… ou le miscanthus. Avec 7 000 ha, cette plante qui semble bien se débrouiller dans les sols pas forcément faciles, ne se multiplie pas par ses semences mais ses rhizomes. Cela n’a pas empêché l’Inrae d’Estrées-Mons (Somme), de s’intéresser à son amélioration génétique pour renforcer sa résilience.
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